
Le réalisateur japonais Mamoru Hosoda réalise "Belle", un film d'animation qui se déroule entre notre réalité et un "métavers" et qui sort en salle aujourd'hui. L'occasion d'interroger le réalisateur sur les évolutions technologiques à venir, alors que Facebook a fait du métavers sa priorité.
Le cinéaste japonais Mamoru Hosoda, juillet 2021 © AFP / TOSHIKAZU SATO / YOMIURI / THE YOMIURI SHIMBUN
Et si nous avions deux identités ? Celle du monde réel. Et une autre, virtuelle. Une existence nous permettant de devenir la personne que nous aimerions être. Ce scénario à l’origine du film d’animation "Belle", en salle dès aujourd’hui, pourrait bien devenir la réalité.
Mais à quoi vont ressembler nos rapports avec les réseaux sociaux dans les prochaines années ?
Pendant que certains imaginent les pires dystopies, le réalisateur Mamoru Hosoda, un des maîtres du film d’animation japonais, préfère imaginer dans ce long métrage poétique, un monde plus juste, plus positif.
Pas question pour autant de jouer les crédules. Il sait à quel point cet univers virtuel regorge de dérives. Depuis des années, il pense ce monde avec une acuité remarquable. "Belle" l’illustre encore une fois parfaitement.
Faut-il envisager une éducation aux réseaux sociaux ? Nos démocraties sont-elles en danger ? À quoi ressemblera notre environnement numérique en 2050 ?
Tentatives de réponses avec Mamoru Hosoda…
Extraits de l'entretien
Est ce que ça vous fait bizarre d'entendre un extrait de votre film en français?
Ça me fait drôle, mais ça me fait très plaisir en même temps parce que la version française a bien respecté toutes les nuances et l'intention de la version originale. Je trouve aujourd'hui que le cinéma est très global et je suis bien content.
Dans "Belle", notre inconscient est capté par l'application. Est-ce que c'est possible aujourd'hui?
Ce n'est pas moi qui le dis, mais quand j'ai discuté avec une chercheuse, elle m'a confirmé que dans le futur proche, on pourra avoir cette technologie qui permet de partager le corps et la conscience. C'est-à-dire que l'on peut tout à fait entrer dans un avatar en conscience ou bien que l'on peut échanger les corps entre personnes.
Facebook rebaptisé Meta, pour Metaverse, c'est exactement le monde que vous décrivez dans "Belle", mais c'est exactement ce que vous décriviez aussi, il y a onze ans, dans votre film d'animation "Summer wars". Mamoru Hosoda, ne seriez-vous pas un peu médium? Un voyant 2.0?
Le cinéma est un art qui prévoit l'avenir
Donc, un peu médium en soit. Ça fait vingt ans que je fais des films sur le sujet d'Internet, donc c'est un parti un peu pour prédire le monde qui va arriver. Aujourd'hui, on a beaucoup de technologie pour réaliser nos rêves, mais je suis impressionné par la vitesse de cette évolution et surtout, par le dynamisme de cette évolution. Ce que je décris dans le film et ce qui paraît comme un monde de science-fiction va devenir une vraie réalité dans l'avenir proche. Aujourd'hui, à cause de la pandémie, nous utilisons énormément les réseaux sociaux, donc je pense que cette évolution va vraiment s'accélérer. La déclaration de Facebook sous le nouveau nom de Meta montre bien cette accélération. Je suis vraiment impressionné, mais en tout cas, en tant que réalisateur, je compte bien continuer à montrer le monde qui va venir plus tard.
Vous, vous préférez toujours vous concentrer sur le côté positif de ces mondes virtuels?
Très souvent, les réalisateurs ou romanciers ont décrit le monde virtuel comme dystopie. Je pense que nous avons tous peur face aux nouvelles technologies ou face au développement de civilisations. Je comprends tout à fait que ces créateurs qui veulent critiquer nos civilisations modernes. Je comprends et je suis d'accord, mais en même temps, est-ce qu'on peut faire ça en face de nos enfants qui vont construire le futur? Est-ce qu'aujourd'hui, on peut vraiment dire aux enfants qu'il faut rejeter le smartphone et aller dans les champs pour cultiver des légumes?
Non, de toute façon, aujourd'hui, sans Internet, on ne peut presque plus vivre. On ne peut même plus réaliser de soi sans le monde d'Internet, puisque le monde Internet fait partie de notre réalité et le monde change à une vitesse incroyable et c'est une réalité à laquelle nous devons nous adapter
Et donc, je voudrais vraiment faire des films qui encouragent les enfants.