La fameuse « loi de Moore », largement citée pour exprimer la miniaturisation toujours plus poussée des composants informatiques, vient peut-être de trouver sa limite. En effet, des scientifiques sont parvenus à créer une grille de transistor, un composant électronique clef, d’une longueur de… moins d’un nanomètre, soit approximativement la taille d’un atome. Cette prouesse pourrait déverrouiller le développement de processeurs de nouvelle génération.
Il devrait être difficile d’aller au-delà dans la miniaturisation électronique, pensent les chercheurs de l’Université Singhua, à Shanghai, à l’origine de cette avancée, détaillée dans la revue Nature. « À l’avenir, il sera presque impossible de produire une grille de longueur inférieure à 0,34 nm », note ainsi Tian-Ling Ren, ingénieur électricien à l’université Singhua et l’un des chercheurs travaillant sur le projet, dans des propos recueillis par un article de IEEE Spectrum. « Cela pourrait être le dernier nœud de la loi de Moore ». Cette fameuse « loi » a été formulée par le docteur Gordon E. Moore, et suppose entre autres le doublement tous les deux ans du nombre de transistors présents sur une puce de microprocesseur. Soit, pour le dire grossièrement, une courbe d’évolution de la miniaturisation.
Cette miniaturisation joue un rôle important dans l’évolution des appareils électroniques : cette nouvelle étape, selon les scientifiques, présente donc « un intérêt pour le développement d’appareils électroniques de nouvelle génération ». L’apport de l’équipe se situe plus particulièrement au niveau de la grille du transistor, qu’ils ont réussi à réduire à 0.34 nanomètre de long.
Un transistor est un dispositif électronique clef qui permet de redresser, moduler ou amplifier les courants électriques. Il est présent dans la plupart des circuits et comporte 4 éléments cruciaux. Le canal, dans lequel circule l’électricité, la source et le drain, qui sont les deux « bornes », et la grille, qui sert « d’interrupteur » dans la circulation entre la source et le drain, en fonction de la tension qui lui est appliquée. Réduire les dimensions de cette grille est l’une des clefs pour la miniaturisation d’un transistor.
Les scientifiques ne sont d’ailleurs pas les premiers à avoir drastiquement réduit son échelle. Leur étude repose entre autres sur les recherches d’une précédente équipe, qui avait réussi à atteindre 1 nanomètre pour la grille. Ils avaient pour ce faire utilisé des nanotubes de carbone. Les nanotubes de carbone, ce sont des « feuilles » de carbone d’un atome d’épaisseur, roulées en minuscules cylindres. Ils avaient également utilisé du disulfure de molybdène.
Un sandwich en escalier
En effet, si le silicium est un meilleur semi-conducteur, lorsqu’on travaille à très petite échelle, ce matériau ne parvient plus à « retenir » les électrons, qui fuient à travers. Forts des conclusions de leurs prédécesseurs, les scientifiques ont donc eux aussi choisi de construire le canal du transistor en molybdène, et d’exploiter le carbone. En revanche, plutôt que d’utiliser des nanotubes, ils ont plutôt fait appel au graphène, une « feuille » de carbone épaisse d’un seul atome. Un tube de nanocarbone « déroulé », en quelque sorte. Le graphène, qui a pu être synthétisé récemment, est à l’étude dans de nombreuses recherches pour ses propriétés étonnantes. L’une d’elles est une très bonne conductivité, ce qui était plutôt utile dans le cas présent.
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Pour utiliser le graphène, voici comment les scientifiques ont procédé. Ils ont déposé une couche de dioxyde de silicium pour la structure de base, puis ont posé, via un procédé spécial appelé « dépôt chimique en phase vapeur », une couche de graphène par-dessus. Ensuite, ils ont ajouté une couche d’oxyde d’aluminium, prenant le graphène « en sandwich ». Grâce à ces deux couches autour, les propriétés électriques du graphène ont été isolées du reste du circuit.
Le tout a ensuite été gravé pour créer une forme de marche d’escalier, comme on peut le voir sur le schéma. Cela leur a permis d’exposer uniquement le bord de la feuille de graphène, dans la paroi verticale de la « marche ». C’est ce qui forme cette si petite grille. Les scientifiques ont nommé cette construction un « transistor à paroi latérale ». Par-dessus cette marche, ils ont aussi ajouté une couche d’oxyde de hafnium, pour créer de l’espace entre la grille et le canal, ainsi que deux électrodes métalliques, une « en haut » et une « en bas », qui forment la source et le drain.
L’un des avantages par rapport aux nanotubes, outre le fait que la grille soit encore plus petite, est que la pose requiert moins de précision, expliquent les scientifiques. Leurs recherches sont toutefois encore à l’étape de prototype, et la méthode qui permettrait de fabriquer ce type de transistor à grande échelle n’a pas encore été réfléchie.