Mis à part pour ses quelques applications domestiques, l'ammoniac est plutôt méconnu du grand public. De composé NH3, il est pourtant l'une des briques essentielles du monde chimique moderne, utilisé massivement dans l'agriculture et ses engrais, comme réfrigérant industriel, dans des dizaines d'industries différentes, du textile à l'armement.
Avec 230 millions de tonnes produites chaque année dans le monde comme le rappelle New Atlas, c'est l'un des composés les plus produits au monde. La quasi-intégralité de cette manne est générée grâce à une méthode nommée «procédé Haber-Bosch», qui permet la «synthèse de l'ammoniac (NH3) par hydrogénation du diazote (N2) gazeux atmosphérique par le dihydrogène (H2) gazeux en présence d'un catalyseur», nous informe Wikipedia.
La demande en ammoniac pourrait croître de manière exponentielle à l'avenir: le NH3 est notamment l'une des pistes sérieusement explorées par les secteurs du transport aérien ou maritime pour verdir leurs activités, condition sine qua non de la lutte contre le changement climatique.
Problème: comme le rappelle également New Atlas, le procédé Haber-Bosch est excessivement polluant. Parmi les fléaux environnementaux qu'il provoque, il nécessite de très grandes quantités de méthane, génère beaucoup de dioxyde de carbone ou de protoxyde d'azote, ou peut être responsable de la pollution des nappes phréatiques.
Au total, il est estimé que le procédé Haber-Bosch est responsable de 1,8% des émissions totales annuelles de CO2 dans l'atmosphère terrestre. Et c'est compter les émissions du très dangereux méthane que sa grande consommation de gaz naturel implique: réussir à se passer de cette dernière pourrait être une révolution dans le secteur.
Erêquoi???
C'est précisément ce que des scientifiques de la Monash University, en Australie, prétendent avoir réussi à faire, comme ils l'expliquent dans un article publié par Science. Et ils l'ont réussi sans même le chercher réellement, c'est toute la beauté de l'accident scientifique aux conséquences heureuses: leur version du procédé a été découverte en parallèle de recherches sur la génération de l'eau de javel qui n'avaient, à la base, qu'un lointain rapport avec la production d'ammoniac.
«Pour être honnête, notre moment eurêka n'a pas vraiment été un “Eurêka!”, mais plutôt quelque chose comme “Vous êtes sûr? Je pense que vous devriez réessayer”», explique ainsi le chimiste Doug MacFarlane, l'un des membres de l'équipe. À en croire les chercheurs, la trouvaille pourrait permettre de produire de l'ammoniac sans gaz naturel mais «à température ambiante, avec une grande praticité et une grande efficacité».
Cet ammoniac plus vert est produit, expliquent-ils, grâce à une méthode «très similaire à ce qui se passe dans un électrolyseur tirant de l'hydrogène de l'eau, à la différence près que nous utilisons des électrolytes très courants dans le monde des batteries au lithium».
Pour résumer simplement les procédés chimiques très complexes que détaillent New Atlas, ils promettent un procédé simple et facilement applicable, à une échelle massive et industrielle comme, et c'est peut-être le plus intéressant, dans de minuscules unités de production d'une taille pouvant être aussi réduites que celle d'un iPad.
Il serait donc possible d'intégrer directement à des sites industriels ou agricoles –voire à des véhicules– de plus ou moins petites unités de production d'ammoniac. Outre le fait de se passer de la polluante génération d'hydrogène et de la grande consommation de gaz naturel propres au procédé Haber-Bosch, cela permettrait également d'économiser les coûts financiers et environnementaux du transport de l'ammoniac: le bénéfice est double.
Le potentiel de ce nouveau procédé est donc possiblement immense, et il a bien sûr été promptement breveté en vue d'une application commerciale la plus rapide possible. New Atlas émet néanmoins quelques réserves, notamment sur le coût final du procédé ou sur la nature des électrolytes qu'il utilise, ainsi que leur durabilité dans le temps.
