Les personnes atteintes de hikikomori croient fondamentalement ne pas appartenir à la société. | Damir Samatkulov via Unsplash
Rester à la maison, voilà une habitude qui s'est ancrée chez de nombreuses personnes depuis que le Covid-19 est entré dans nos vies en mars 2020. Les confinements, le télétravail et les couvre-feux ont accentué la tendance, et les médecins parlent désormais de «syndrome des cavernes» pour qualifier cette préférence pour la maison au monde extérieur. Cette incapacité temporaire à se réajuster aux habitudes sociales de base, comme manger au restaurant ou voir des amis, fait de l'ombre à un autre syndrome déjà présent avant que l'épidémie de Covid-19 n'apparaisse. Le hikikomori est une maladie mentale chronique qui découle de la peur des autres, elle pousse les individus à rester chez eux et à croire fondamentalement qu'ils n'appartiennent pas à la société.
La psychiatre et professeure de psychiatrie à la Grossman School of Medicine de l'Université de New York, Carol W. Berman, sonne l'alarme à ce sujet. Dans les colonnes de Scientific American, elle évoque le cas d'une patiente atteinte d'un trouble bipolaire, autrefois dynamique et amoureuse des voyages. Après des séances de rééducation physique pour une blessure à la colonne vertébrale, cette patiente s'est enfermée chez elle et a refusé le contact avec l'extérieur. Les médicaments pour stabiliser son humeur n'y ont rien fait et la médecin n'a diagnostiqué aucun trouble lié au retrait de la vie sociale comme la dépression, l'anxiété ou l'agoraphobie. C'est alors que Carol W. Berman s'est souvenue d'un article rédigé en 2010.
Le hikikomori découvert au Japon
Ses collègues, en poste à l'Université de Californie à San Francisco, avaient travaillé sur le hikikomori. Ils l'avaient identifié comme étant un syndrome d'isolement social extrême qui aurait émergé au Japon. Il concernait principalement les jeunes hommes qui se confinaient à la maison plutôt que d'aller à l'école ou au travail. Avec le temps, les critères de diagnostic ont été élargis à toute personne confinée à la maison presque toute la journée, presque tous les jours pendant plus de six mois afin d'éviter les interactions sociales.
La maladie n'a pas été reconnue aux États-Unis et cela inquiète particulièrement Carole W. Berman. Après cinq ans de psychothérapie, sa patiente était parvenue à progressivement s'aventurer hors de son appartement. Mais la crise du Covid est venue mettre un terme à ses efforts. Ce que craint la psychiatre, c'est que les médecins ne parviennent pas à faire la nuance entre le syndrome des cavernes et le hikikomori. «Le danger survient lorsque des comportements inadaptés sont qualifiés de syndrome des cavernes alors qu'ils sont en réalité les débuts du hikikomori», écrit-elle.
Elle note que les pays occidentaux commencent à se renseigner sur le sujet, tandis que la majeure partie des recherches ont été conduites en Asie. En 2010, 1,2% de la population japonaise souffrait du hikikomori et cela concernait 2.6% des Hongkongais en 2015. Des cas en Espagne, en Corée du Sud ou au Nigeria ont été observés, ainsi qu'aux États-Unis.
Pour empêcher les individus de progresser vers le hikikomori, Carole W. Berman conseille d'encourager les personnes concernées à quitter leur domicile pour faire de l'exercice ou rencontrer des gens en face à face. Si l'individu s'y oppose et nie la nature de son isolement, il est recommandé de l'aider à consulter un psychiatre ou un psychothérapeute, ajoute-t-elle.