
Il devient “franchement difficile de ne pas paniquer” face au spectre d’une sécheresse totale dans la ville du Cap. Dans un éditorial mordant, le Daily Maverick résume l’ampleur de la catastrophe qui se profile : la ville, qui compte près de 450 000 habitants, pourrait bientôt connaître son “Day Zero” (“jour zéro”) le 12 avril. Une date calculée par des experts en fonction de la diminution du niveau des bassins des barrages, remplis actuellement à seulement 35 % environ.
Ce jour-là, “le système hydrique s’effondrera complètement. […] Les conséquences sur l’économie, la santé, le tourisme et les infrastructures seront dévastatrices”, liste le site d’information sud-africain. Un plan d’urgence a bien été élaboré par les autorités en vue de la date fatidique – jour où les “réserves d’eau tomberont à moins de 13,5 % de leur capacité” – : 200 points de distribution d’eau protégés par l’armée et la police seront activés dans la métropole. Les habitants pourront alors venir chercher un maximum de 25 litres d’eau par jour. Soit environ “4 000 habitants quotidiennement” pour chaque point d’eau, résume le site dans une infographie.
La ville en quête de solutions
Alors que les pouvoirs publics semblent de plus en plus impuissants, “la solution est maintenant entre les mains des citoyens”, déplore le Daily Maverick. Les autorités appellent “les habitants [à réduire] leur consommation d’eau de 25 % immédiatement”. Mais les mesures coercitives sont très difficiles à mettre en place, selon le Sunday Times, qui regrette le manque de civisme des habitants du Cap.
La cité côtière compte donc sur la science pour tenter de sortir de la crise : sept stations de désalinisation doivent entrer en fonction prochainement, “des systèmes de condensation de l’eau ont été installés sur deux bâtiments” publics, et 358 écoles de la région sont maintenant équipées d’instruments de contrôle de la consommation d’eau.
Une question politique
La gestion de l’eau est également éminemment politique. Le Cap-Occidental est la seule province sud-africaine à être entièrement contrôlée par l’Alliance démocratique (DA), principal parti d’opposition. Aux mains du parti libéral, la ville a aussi longtemps été mise en avant comme une vitrine de la bonne gestion de la DA face aux errements de l’ANC, parti au pouvoir dans le pays.
Mais la maire du Cap, Patricia de Lille est “accusée entre autres de mauvais usage des finances publiques”, rappelle le quotidien économique Business Day. Celle-ci a été “démise de son autorité à gérer la crise de l’eau” au profit de la gouverneure de la province, Helen Zille, une personnalité de l’opposition également contestée.
Le débat racial
Les déboires de la population du Cap ont également ravivé le débat sur les inégalités héritées de l’apartheid en Afrique du Sud. Alors que la population aisée du centre-ville peine à remplir ses piscines, les habitants des bidonvilles connaissent d’ores et déjà leur “Day Zero”.
Le média spécialiste des questions sociales Groundup s’est rendu dans le township de Siyahala, où Phelisa Tafeni “partage son logement de tôle avec ses cinq enfants et son mari”. À défaut d’eau courante, cette mère de famille remplit ses bidons au robinet public.
Dans cette famille pauvre, “60 litres d’eau peuvent durer trois jours”. Le Daily Maverick rappelle d’ailleurs que, au regard de la situation dans le reste de l’Afrique, “les restrictions actuelles sur l’eau [dans la ville du Cap] ne sont ni cruelles ni inhabituelles d’après les normes fixées par l’ONU, et l’on pourrait bien vivre avec encore moins”.